Cher Président,

Qui que tu sois, ne fais pas trop le fier. Le jour de ta victoire est celui de l’échec de notre démocratie. Depuis trop longtemps, le vote est biaisé, parce que nous n’avons pas le choix. Cette fois-ci, comme le dit si bien le sage, le vote qu’on nous propose est celui de la cause et de l’effet. Ce n’est pas un choix. Le vote est biaisé parce qu’il ne peut plus être libre. Il est bâillonné désormais, et ma voix de toute façon ne peut qu’être silencieuse.

Le vote est biaisé, parce que de toute manière tu ne nous représentes pas. Le jour de ton élection est la démonstration de l’inaptitude de notre système à faire de la politique le domaine du juste. Tu es un président en blanc. Tu es la preuve de l’échec de l’élection. Tu es le chèque en bois que nous étions contraints de signer.

Voici ce à quoi il te faudrait réfléchir en profondeur: la politique n’est pas le pouvoir. La politique est une vocation de servir le bien commun. Ce bien commun réside dans la justice. Cher président, c’est elle que tu devrais servir si tu accomplissais ta mission, et nous savons tous, d’ores et déjà, que c’est elle que tu bafoues. Tu n’es pas légitime. Tu ne peux plus l’être. Si tu en avais conscience, tu ferais un premier pas important. Mais il y a fort à parier que ton ego l’emportera, et que tu croiras à ton pouvoir comme les électeurs ont cru au leur.

La politique n’est pas un pouvoir, entends-tu? Tu seras gestionnaire. Tu seras inutile, à moins que tu n’aies le courage de voir l’évidence: cette élection est une faillite. Tu n’es pas seul responsable -ne te donne pas tant d’importance, cher Président. C’est la faillite d’un mode d’élection à repenser; c’est la faillite d’une démocratie trop indirecte; c’est la faillite de l’information publique qui mouline les cerveaux; c’est la faillite de l’Homme, qui joue à la belote pour oublier ses valeurs, et qui vit de bassesses pour humilier sa grandeur.

Cher Président de la cause ou de l’effet, la liberté ne peut plus nous guider, mais elle peut encore t’emmerder.

Cordialement,

Valériane Des Voiles

illustration: Des hommes déplacent « La liberté guidant le peuple » de Delacroix