Il est une maladie d’aujourd’hui, pour laquelle le docteur (c’est-à-dire moi! Oh mais ne ris pas, je suis vraiment docteur! et je fais des ordonnances comme personne, à tire-larigot, à vau-l’eau, à la pelle et à sceau et c’est cadeau!), ne peut que prescrire et espérer que le soin fasse effet.
Parce qu’il faut d’abord rendre le patient conscient de son mal, le docteur-ès-tutti-quanti recommandera la lecture d’une fameuse lettre de Saint-Exupéry, qui fait mal, tant elle est vraie.
Clique là pour lire le terrible diagnostic-tac, le temps presse…
Après avoir appris à contrer (un peu!) la maladie physique, à connaître (si peu!) la maladie psychologique, l’heure -qui est toujours grave, contrairement à la minute- commande que l’on affronte la maladie philosophique. Lecteur, tremble à l’idée que toi aussi peut-être, tu souffres de cette dégradation métaphysique qui veut que chacun ne se traîne plus qu’au hasard des « pourquoi pas! ».
Oui nous sommes malades! Nous ne rêvons plus; nous oublions l’urgence de vivre; la grandeur de vivre; nous ne nous battons plus ni pour le sens ni pour la valeur, puisque tout nous est tristement égal! Pauvre de nous!
Nos plaies nous piquent un peu, et nous aimons à les gratter, à les curer, à l’aide du mince stylet du cynisme, de la désinvolture en coton tige, ou de la lame du désespoir pour les plus audacieux.
Mais haut les cœurs, cette maladie, dont nous sommes au mieux des porteurs sains, n’est pas sans remède.
Le docte avisé ayant désapé Dame Vérité, sans trop de tendresse (car c’est un scientifique, paix à sa joie!), s’avance alors et brandit le remède.
La méthode Rilke, en substance, tient en deux mouvements!
D’abord, la question: Qu’est-ce qui te tient éveillé la nuit?
Oh, je sais bien que tu ignores ton statut de jeune poète, et que les lettres de Rilke te paraîtront adressées à d’autres. Pourtant, la poésie, très cher, c’est la création, et si tôt que tu respires, même doucement, même en cachette, tu crées ta vie. Tu es ainsi « poète ». Et Rilke te demande ce qui te réveille. Ce qui la nuit te hante. Ce qui t’obsède oui!
Si déjà la maladie a atteint un stade avancé, note bien que tu secoueras négligemment ta main dans le vide pour chasser le plein qui s’y trouvait, et que tu me diras « rien ». Allons! Si rien ne t’anime c’est que tu acceptes déjà l’idée d’être mort-vivant! Si rien n’embrase tes tripes pour qu’en fumées légères quelque offrande magique se pose sur les lèvres entrouvertes d’une déité (de ton choix!!! Dieu, l’Homme, la terre, Vishu, l’espoir, l’amour, la liberté, ton arbre et ton ruisseau), c’est que tes entrailles ne sont qu’un affreux boudin! Et cela, j’en suis sûre, tu ne le veux pas!
Rien n’est perdu, mais il faut agir vite: dans ce cas extrême d’espoir déjà fané, il faut prendre la question de Rilke à l’envers, comme dans « the passenger », et te demander plutôt « What are you running away from? »
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là! tu vois! Ce que tu fuis est un appel aussi.
une fois la question posée de ce qui t’anime, vient la seconde étape du Rilke programme.
La réponse: écoute! Regarde! Sens et vis!
Tu es un instrument et il t’appartient de faire en toi vibrer la mélodie des choses. Tu es une corde sensible. Tu n’y peux rien! Mais si tu peux…tu peux sentir ce que la beauté fait pour toi en ce monde parfois si laid.
Si tu sais ce qui la nuit t’obsède, mon ami, tu peux choisir de te réveiller. D’ouvrir tes yeux. De vivre ta vie en la rêvant.
Cette méthode ne te garantit pas que tu ne souffriras pas.
Moins encore que tu réussiras.
Mais elle te donne l’occasion unique de vivre vraiment.
Valériane Des Voiles
illustration: « Vole l’air décontracté »…même sur des grues de papier?!