La chair emmaillotée, sciée et boursouflée, la saucisse couine. Prise entre les fils de riens, les rets des petites choses, elle étouffe. Sa peau est trop petite! Pauvre saucisse!
Elle éclate; elle sue; elle en bave. Elle est devenue brillante à force de gonfler, comme si elle était polie de l’intérieur. Elle est bien lisse à présent, à force d’être roulée. Triste saucisse!
Elle peine. Elle souffre. Prisonnière, cuite au court bouillon, viande et boyau, elle a chaud. On la pique. On la déchire ou bien on la cisaille. Quel affreux destin! Sa mixture est pressée; son enveloppe éclate. Elle craque. Elle lâche. Née pour être saucissonnée, puis dévorée, non pas comme un met raffiné que l’on embrasse quand le mange, mais comme le bourratif du quotidien. Avalée sans même être goûtée. Tragique saucisse!
Est-ce qu’un jour, une fourchette bien avisée, épargnera tes flancs bombés? Est-ce qu’une fois, libérée de ton carcan de triperies, l’amas de tes particules pourra s’échouer en galaxie? Petite saucisse, espère et espère encore! Un jour -demain toujours!- ta chair ne seras plus à pâté.
Valériane Des Voiles