Te parler ainsi, c’est s’avancer sur une pelouse mouillée. C’est risquer de te casser la gueule. Mais, que veux tu ?, c’est ma pente naturelle.

Tu me demanderas pourquoi, les yeux à mi-chemin exactement entre la haine et l’incrédulité, la langue en vrac, le cœur trahi, et je te répondrais avec mes mots de surface. En vrai petite conne, j’inventerais que j’avais besoin de retrouver l’intensité, que j’avais besoin de séduire, que j’avais besoin de m’inventer des besoins. Que j’ai glissé. Que j’ai voulu te faire mal, pour que toi aussi tu te sentes vivant. Je te dirais que j’ai rien maîtrisé. Peut-être que je voulais juste m’amuser.

Je te dirais probablement tout ça en pleurant, en te jurant que c’est toi que j’aime, mais que c’est lui qui m’a trouvé belle. Ma bouche, à ce moment précis, aura franchi toutes les lignes de la trahison. Elle s’emballera, comme si elle courait pour arriver tout en bas de la dune, avec du sable plein les chaussures. Ma bouche broyant de minuscules particules de ce qui avait été vrai et beau, pour en faire de la poussière de merde. Mais tu sais, la merde parfois c’est beau aussi. C’est beau comme la mélancolie.

Alors, je serais là, avec ma bouche, lancée, et puis je te dirais que lui mentais bien. Mon amant, je l’aurais choisi beau menteur, sacré salaud, stupide au fond. Il ne t’arriverait pas à la cheville, sur aucun plan. A quel point aurais-tu mal, si je te le disais comme ça? Mon amant, lui, aurait débiter des morceaux de poèmes vieux jeux ou cochons, il aurait réécris deux ou trois rimes, pour que ça fasse plus vrai, et avec tout ça, il m’aurait emballée comme si j’avais encore vingt ans. Tu comprends maintenant? Je te dirais que lui et moi, on avait rien en commun. On parlait quand même un peu de musique.

Il m’aurait trouvé belle, et moi aussi je lui aurais menti, en feignant de le croire. J’aurais fait comme si la beauté n’était pas juste un petit point dans l’espace. Un petit point qui danse. Un point provoquant. Qui danse pour émouvoir. Je te dirais que j’ai fais ça pour jouir des éternels commencements, des débuts à l’infini, des bras tremblant. Je te dirais peut-être que c’est mon corps qui est un terrain glissant. Dans son naufrage permanent, il s’agrippe à tout ce qui passe. Il a tout simplement mis son doigt là où il ne fallait pas. Les ongles plein de crasse, à ce stade, je joindrais peut-être mes deux mains, parce que ce serait un moment idéal pour faire la sainte pourrie. On serait à tous les coups brûlants. Ce serait peut-être même excitant.

Je te dirais « pardonne-moi », et tu me pardonnerais, mais trop tard.

Et ton cœur est un terrain glissant, où on s’abîme. Avec mon canif façon girl scout, j’ai fait une brèche. C’est tout sec maintenant, juste à cet endroit. Presque craquant. Si je le lèche, il sera bientôt de nouveau luisant.

Valériane Des Voiles

illustration: une photo d’un endroit où il vaut mieux ne pas glisser…