Sa masse grasse inférieure à 10 pourcent et son slip de bain parfaitement ajusté, l’homme bonnet-de-bain s’avance en son royaume émaillé et surveillé, comme un poisson dans l’eau d’un aquarium dans le bureau d’un banquier, dans un bâtiment refait à neuf et bien isolé, dans un écoquartier, dans une capitale dynamique, dans notre monde ultramoderne.

Des angles droits, une faïence régulièrement javellisée, un bleu net, beaucoup plus net que celui du ciel, sont les lignes et les couleurs de la sérénité de l’homme bonnet-de-bain. Tout est pondéré. Un esprit sain et un corps pour le prouver, ce spécimen là pense croissance, règles; recul, modération, amélioration, objectifs, règles; hauteur, largeur et profondeur, règles.

Mais ne croyez pas qu’il manque d’humour! Non! Il sait s’amuser: il va à la Bodega tous les premiers samedis du mois, des barbecues le dimanche de juin à septembre, et même un jour, il a trompé sa femme! Mettre cet évènement sur le compte de l’alcool serait le priver de l’un de ses plus glorieux faits d’armes. Certes, il avait bu quelques coupes d’un excellent champagne, et la fille était jeune et jolie comme dans un magazine, dans un bureau de presse familial et propret, quoique la façade soit datée, dans un village du bord de mer, du côté de la Baule. Certes, ce jour-là il avait eu une conversation épineuse avec son épouse, à propos du menu de la veille, ou du lendemain. Mais tout de même, c’est bien lui qui avait plongé! Lui qui ne prend jamais de risque, lui le raisonnable, le sage, le sérieux, l’ami fidèle, l’enfant modèle. Admirons l’aisance avec laquelle il a géré ce risque! Il a su calmer la demie adolescente, il a su la prendre gentiment et proprement, tout en limitant leur échange à un plan purement sexuel, et rester ainsi, en son cœur, celui qui ne faillit pas. La tromperie, ainsi, était légère. Il a su, en un mot précis comme un tarif d’abonnement téléphonique, en période de promotion exclusive, auprès d’un opérateur dont le service client a été élu meilleur de l’année 2018, dans une société de consommation où le client est roitelet, il a su encadrer sa liaison.

L’homme bonnet-de-bain calcule les risques. Il les prend toujours s’ils ne risquent rien.

 

Valériane Des Voiles