Un matin, ou un soir, je ne m’en souviens plus, en descendant dans ma rue, j’ai assisté à une scène bien étrange dont voici le récit.
Un homme tient une femme en joue.
Il lui dit:
« Au bout d’un fusil je t’aime. Je tire! Ces petits mots bien aiguisés, bien limés, bien pourris, je te les dis. Je te l’avais bien dit! Je les balance et ils font mouche. Ils touchent à tous les coups, au creux du cou. Balles traçantes! Fragmentation! Arme biologique!
Je dégoupille mon je t’aime. Il explose, et creux ou plein, il ravage.
Ce bout de phrase, je le dégaine, c’est ma rengaine! Plus un mot, plus un geste, j’ai l’arme fatale! Je dit je t’aime, et je t’emballe, comme une tranche de jambon!
Haut les mains! J’ai des hauts le cœur, quand je pense à ce que soulève mon pauvre je t’aime. Les mots sont mes outils, je te bricole et on décolle.
Au bout d’un fusil je t’aime. Je tire! »
La fille ne bouge plus. Elle doit être morte.
Bang! bang!
Je suis restée là quelques instants, sans savoir s’il fallait appeler à l’aide, ou s’il fallait arrêter ce bandit. Mais la femme s’est relevée. Elle aussi était armée…et si j’ai bien vu, son flingue était plus gros!
Valériane Des Voiles
illustration: le cinéma japonais, grand convoyeur de filles et de flingues…