C’est quand on le voit qu’il nous effraye… Et il m’a effrayé.
Ni son sourire, ni son pelage gris, ne présageait la surprise. Seuls les tournures de phrases, et les mots guère usuels me mirent sur la piste. Comme si l’ancien détonait avec la puissance de l’inventivité. Comme l’armoire en bois brute, cirée, toujours classe. La curiosité de googler un nom, et là, stupeur. Des états d’armes et des classes. Des livres et des médailles. A 60 ans il avait tout fait. Gloires académiques, interview et conférences en tout genre, il avait poncé des disciplines comme si dieu avait tout concentré dans une poutre. Science cognitive, intelligence artificielle, chimie numérique, Il s’était fendu de toute son âme à ces matières, aussi étonnantes et spécialisées soient elles, comme s’il avait arraché du monde une certaine vérité. Je le retrouve devant moi, à l’écouter, tantôt buvant sa parole qui a connu une soudaine inflation à la lecture de son pédigrée. Est-ce totalement injuste? De suivre ainsi le discours d’une tronche, que son propos gagne en valeur au fur et à mesure de l’écoute? Ou est ce juste le simple mérite d’un homme qui a semé tant de graines et capte finalement mon attention et celle de ceux qui veulent savoir avec une facilité déconcertante. Pourquoi est-il là? A me donner un cours, moi qui ne suis ni à polytechnique, ni dans une université, ni dans une vulgaire salle de classe d’ailleurs. Je me sens petit à l’idée que je ne pourrais jamais rien relever de la vie avec une finesse égale, pas la moindre chose sur laquelle il n’aurait tendu l’œil, ou l’oreille, et analysé. On se sent comme nu devant une montagne, revenu à la nature des choses devant paradoxalement une personne qui les retranscrit si fidèlement. J’apprends, et remercie. Le sentiment le plus intense reste la sensation de rien donner en retour, frustration. Comme un égoïsme gustatif, appétit pour apprendre, sans avoir caressé le chaudron du druide.
Sam Lebrave