Il paraît que les festivals sont des lieux, ou des moments, de liberté. Il paraît qu’on y sent les effluves, non seulement des aisselles adolescentes, mais encore de la subversion. Il paraît que dans ces messes de la contre culture à la mode, l’anti-politisme dont on se drape n’est qu’une façon théâtrale de mieux se désaper pour refaire le monde.
Il fallait donc mener l’enquête, et suivre comme un chien fidèle cette piste. En attendant le burning-man ou autre chose d’approchant (Petite Elo saisis-tu l’invit’?), c’est au Free Music de Montendre qu’une première observation participante s’impose.
Mettons de côté la vague tentative de jeunesse de resquiller au Reggae Sun Ska…qui certes fût l’occasion d’une rencontre du troisième type entre les rangs de vignes, mais qui ne me permis assurément pas de recueillir les preuves d’un lien quelconque entre festivals et liberté…Oh non lecteur attentif, je te vois venir, et tu te trompes! Non, entrer sans payer ce n’est pas une de ces preuves. Entrer sans le bracelet magique, c’est peut-être bien un acte politique, une situation économique, une fierté de gosse qui gagne une partie de cache-cache, mais ce n’est pas la liberté.
C’est donc la cafetière toute pleine de l’espoir de trouver de bons grains à moudre menu que je m’avance sur le chemin du lac de Montendre, où dès le parking, un vigile m’annonce, affable et prévenant, et un peu rougeaud, que chaque personne ne peut emmener avec elle qu’un litre et demi d’alcool (Je me demande comment ils ont fixé ce quota: voulaient-ils préserver la santé des festivaliers en leur permettant de boire seulement de quoi faire un coma éthylique? « Un seul par personne s’il vous plait! ». Ou bien voulaient-ils, par un savant calcul, limiter le nombre de sac poubelles nécessaires pour jeter 15 000 bouteilles de taille standard? hum…je penche pour la seconde option!). Cette « consigne de sécurité » sonne comme un négatif des sommations sous peine de mort de manger 5 fruits et légumes ou de boire du lait! Si la subversion en est réduite à la réaction et à la symétrie, c’est qu’elle est bien peu inspirée! L’enquête commence mal.
Mais ensuite, oubliant le dress code qui s’infiltre même ici, oubliant les agents de sécurité, les barrières, la chaleur, la poussière, la foule et tout ce qu’elle drague de vase humaine, la musique commence. La danse un peu étrange, qui naît aussi bien de l’espace limité d’une arène que des vibrations de la musique que l’on sens même sans l’entendre, commence aussi. Rodrigo y Gabriella, virtuoses, créent de l’espace et de la vie. Dans la musique et son rythme, il y a un espace et un temps qui nous appartiennent vraiment. Il y a une vibration qui, oui en un sens, refait le monde et constitue indéniablement une façon de ne plus se contenter de refuser ou d’accepter, mais bien de vivre en créant. C’est bien là la seule subversion possible. Quoique l’on invente, il faut l’inventer. Et ces deux guitaristes, inventent du mouvement, et chacun de ceux qui crient, qui sautent, qui se dandinent le font aussi.
Ce n’est pas suffisant peut-être pour prouver l’hypothèse de départ, mais admettons que c’est une piste…
Valériane Des Voiles
