Un texte qui, contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, ne parle pas de la sombre et triste affaire de la disparition des boîtes de raviolis au supermarché.

Claire avait une armoire. Et dans cette armoire, elle cachait des boîtes, de toutes tailles et de toutes qualités. Chacune d’entre elle renfermait un petit souvenir, fané la plupart du temps, léger ou grave, amer, parfois vibrant, un moment et parfois une odeur. Le premier souvenir qu’elle avait rangé était une très petite plume bleue et un coquillage. Le dernier était une assez longue lettre. Claire ouvrait son armoire, dépoussiérait son musée vaniteux et se laissait parfois aller, comme un véritable conservateur, à soulever très doucement le couvercle d’une de ses boîtes. Elle caressait son contenu, fermait un peu les yeux ou bien les détournaient vers la fenêtre en soupirant. Puis elle refermait la boîte, refermait l’armoire, et oubliait un peu.

Mais au mois d’octobre dernier, pour la première fois, sous l’un des couvercles il n’y avait plus qu’une brume. Plus de matière; juste une trace; juste un spectre. L’odeur d’un homme, étriquée et mêlée à celle, plus rance, d’une salle de boxe. Il y a avait eu ce ring…Non, peut-être pas. Il y avait eu un combat en tout cas… Comment le savoir, maintenant que la boîte était vide? Il y avait eu une chevalière, du genre de celle qui font mal aux dents. Il y avait eu l’air d’une chanson: « tell me a little lie » ou quelque chose comme ça. Il n’a avait plus rien. La boîte était vide.

Quelques mois plus tard, c’est une boîte plus grande, décorée de marqueterie et qui ressemblait à un petit Taj Mahal miniature qui s’était trouvé vidé de ses micros objets, de ces morceaux de papiers, de ces trésors passés-claqués. Claire avait gardé là sa nostalgie des commencements. Ces instants où tout va basculer, où tout bascule, et puis plus rien. Et la boîte était devenue vide.

Ce phénomène, comme une érosion, avait été d’abord très exceptionnel. Il s’était accentué, accéléré.

Ce matin, les boîtes elles-mêmes ont disparu. Il ne reste rien. Claire ferme l’armoire, la rouvre incrédule. La referme pour de bon. Les petites boîtes sont des cercueils pour l’absence.

Valériane Des Voiles