Deuxième question : Comment suis-je vu ?

L’homme aux santiags est spectateur. Il est passif et reçoit l’image que le bison lui donne. Voici le deuxième point autour duquel serpentent les méandres de l’identité. L’identité n’a pas seulement un sens pour soi, mais elle est une représentation de soi destinée aussi à se donner aux autres. A ceux qui regardent le bison, s’impose son image de chien. Il est là, incongru, coincé dans une représentation qui ne lui sied pas mais qui pourtant est la seule perception que l’on puisse avoir de lui. Le spectateur le regarde mais ne peut prétendre le voir.

Ah la passivité de l’esprit, plus troublante ou envoûtante que celle de la chaire. La passivité qu’il te faut pour recevoir, et pour donner aussi puisqu’en donnant tu abandonnes…n’est-ce pas ? Tu accueilles cette image. Tu la prends comme ça. C’est une rencontre ; c’est un coup de foudre. Ce qui est te tombe dans l’œil, avec sa forme toute prête. La passivité en somme est inévitable un instant. Le spectateur, on l’a blâmé, on l’a molesté, mais on avait oublié qu’au commencement de tout sa posture était la notre. Il a l’air benêt notre cow-boy, mais toi et moi, on fait la même tête à la surprise de l’événement.

Ah mais ensuite ! Ensuite ! Réjouis toi  ami de Guy Debord, la société du spectacle ne sera pas justifiée dans ces lignes ! Car ensuite, viens la réponse ! Ensuite, hors du cadre de l’image, le cow-boy va se lever ; il marchera droit dans ses santiags comme un cure-dent dans une saucisse cocktail ; il tapotera la tête du bison, jouant le jeu de son identité de chien ; il mastiquera, à cet instant précis, le chewing-gum qu’il avait jusque là oublié dans sa bouche comme ses pensées dans son cerveau ; il aura un léger mouvement d’épaule ; il dira à son animal « tu es un bon bison » ; et c’est ainsi qu’avec une grande affection, il déchirera les voiles de l’identité truquée.

C’est ça l’amour mon vieux !

Lecteur, si tu crois qu’ainsi j’ai une fois de plus déroulé les mots au kilomètre en oubliant la destination et le destinataire, tu te fourres le doigt dans l’œil. Mais si tu crois que je te donnerai la clé toute prête à réchauffer, tu te carres la pince dans le hublot.

To be continued….

See you space cow-boy !

Valériane Des Voiles