Sur Rodin, l’exposition du centenaire au Grand Palais, jusqu’au 31 juillet 2017

Rodin monumental, du haut de son penseur aux grandes mains, toise celui qui le regarde. Le sculpteur qui n’en était pas un, façonne dans l’œil du visiteur la forme d’une vie qui n’est pas à sa taille. La pierre lourde, lourde des émois qu’elle ne connaît pas; le pied lourd, lourd des chemins qu’il n’a pas empruntés; les lèvres lourdes, lourdes de tout ce qu’elles n’ont pas embrassées. Mais l’âme subtile, elle, s’envole.

Les statuts de Rodin te voient, même si elles regardent ailleurs. Dans le coin de leur œil songeur, elles voient tes rêves passer. Leur visage, un peu penché, sympathise avec ta faiblesse, de toute leur force. La femme accroupie ou les bourgeois sont ta fragilité anoblie.

Les statues de Rodin portent comme des Atlas ton sentiment de ne pas être à ta place. De jouer au dur, quand ta chair est molle. D’être colossal quand tu t’effrites. La pierre compatit. Car l’homme est minéral.

En poudre de Rodin-pinpin, tes jours s’envoleraient si Rodin sculptait; mais puisqu’il modèle, les jours ne font que s’amonceler. C’est ainsi que ta figure est née.

 

Valériane Des Voiles

illustration: Les bourgeois de Calais (détail)

Author Valériane Des Voiles

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  • Jean Jaille dit :

    Une plume à encrer des complexes dans les sillons d’espoirs que laisse la lecture de ces billets.
    Doux sont les rêves candides. Ceux où l’on ose.
    Mais le nez fin, on s’abstient.