Je ne sais pas encore pourquoi la question de savoir ce que c’est d’être poète, ce qui donne à la poésie sa magie, m’obsède tant. Une intuition simplement. Se terre ici l’un des grands mystères de la vie de l’Homme: celui de la création. Celui du rapport inouï des mots et de l’existence. Celui du lien et celui du sens. Ainsi, lorsque le nom d’un poète se présente, comment ne pas lui demander qui il est?

Ce nom est un pseudonyme, de toute façon.

Celui d’Hanternoz m’appelle. Il sonne comme un « abracadabra » de l’âge adulte. Il résonne comme l’une aventure oubliée de la quête du Graal.  Les poèmes d’Hanternoz me retiennent aussi. Je les trouve beaux. Il accepte de parler de sa « petite fabrique », depuis son bout du monde avec vue sur l’océan. Puisque je n’ai pu le voir, je ne peux que l’imaginer. Et le lire bien.

  • Comment pratiquez-vous la poésie ?

Et bien je pratique la poésie en parfait autodidacte, depuis l’adolescence.

Mon écriture peu prometteuse au début s’est affinée au rythme des connaissances que j’ai pu acquérir, tout au long de mes recherches. J’ai lu beaucoup, je me suis familiarisé avec les règles drastiques de la poésie classique, mais j’apprécie davantage le néoclassique et je commence à m’intéresser maintenant à la poésie libre, beaucoup moins contraignante.
Je ne dispose pas d’une formation littéraire. J’ai longuement hésité à la fin de la classe de troisième entre des études techniques et un cursus littéraire, la mode était à l’électronique, j’ai suivi la mode avec une formation assez poussée en électronique.

J’ai toujours ressenti comme une fascination à la lecture de poésies, cela a commencé avec les fables de La Fontaine au primaire, je trouvais que c’était intelligent.
Je voue une admiration à nos plus grands poètes avec une mention particulière à Baudelaire et Hugo. Rien de très original donc. Mais j’en apprécie beaucoup d’autres, Lamartine, Verlaine, Rimbaud, Musset, Aragon, Apollinaire, Eluard, Prévert, …. La liste est longue de talents éblouissants dans la poésie Française.

  • Au quotidien, vous sentez vous poète dans votre manière de vivre et de sentir les évènements, de regarder un paysage ou les yeux d’une personne ? Ou bien vous sentez vous poète avant tout lorsque vous travaillez les mots, les rythmes et les images ?

Être poète c’est révéler très jeune une sensibilité peu commune je crois. Je ne me sentais pas un enfant tout à fait comme les autres. Ça ne s’est guère arrangé depuis.
Je me suis souvent senti spectateur du monde qui m’entoure, bien plus qu’acteur.
Cette sensibilité était orientée vers les arbres, les animaux, les oiseaux, la mer, une empathie pour la nature en général. La poésie est toujours présente dans ma vie, c’est un état d’esprit inné. Je suis en quête perpétuelle d’une harmonie que je peux trouver dans un paysage, souvent, aussi dans un regard évoquant une tristesse, un bonheur…
Enfant j’étais souvent submergé par mes émotions, mais aussi en contact quasi permanent avec les énergies invisibles qui m’accompagnaient et pouvaient longuement converser sur des questions de l’utilité de la vie, le sens de l’univers, la question métaphysique que je n’ai jamais cessé d’explorer. Voir « le vieux monsieur » (une histoire vraie !) « la vieille façade »
Disons que j’étais un introverti très mental, contemplatif et réceptif.

    • Travaillez-vous de façon très régulière (« nulla dies sine linea »), ou bien connaissez-vous des périodes de grandes prolixité et des temps calmes ?

Le travail de l’écriture s’impose davantage dans les moments difficiles de mon existence.
C’est la règle générale, il y a quelques poèmes qui font exception à cet us.
Dans ma jeunesse, j’ai écrit quelques poèmes, j’en ai conservé peu. On y trouve l’âme poétique mais le travail d’écriture demandait à s’améliorer.
Un soir je parcourais internet et j’ai découvert des blogs de poésie. L’idée m’a tout de suite tenté d’en créer un, ce que j’ai fait. Il fallait donner un nom, il était minuit, hanternoz en langue Bretonne. Internet m’a permis de faire de nombreuses recherches et d’améliorer mon style. Enfin j’espère !
Je vais parfois écrire trois poèmes dans le mois et puis je vais flemmarder un an durant sans produire quoi que ce soit. Et quand je me fais tancer, je tâche de me remettre un peu à l’ouvrage !

  • Comment commence un poème ?

Le poème commence toujours par une émotion, une interrogation. L’écriture met parfois plusieurs années pour déposer cette émotion sur une feuille de papier.
Le poème « Le vieux monsieur » a été rédigé 20 ans après que j’ai assisté à cette scène particulièrement étrange. Pourtant j’ai su tout de suite qu’un jour je décrirai cette émotion.
Cela a pris un certain temps!
Il en va de même pour « Le Guénéron », « La fée Morgane », « tempête », « Ravage »…. Cela faisait longtemps.
Je laisse l’idée suivre son cours, puis un jour, je sais que j’ai les premiers vers, la forme est choisie, il n’y a plus qu’à triturer un peu les mots et tenter d’en tirer quelque chose de convenable, capable de rendre cette émotion au plus juste.

  • Comment s’achève-t-il ? Comment parvenez-vous à décider qu’un poème est achevé ?

Ce n’est jamais achevé, hélas. Je passe mon temps à améliorer des poèmes qui pourtant ont trouvé un petit succès. Alors que je ferais mieux d’en écrire un nouveau !
C’est tout à fait affligeant.

  • La publication en ligne, et plus encore peut-être la participation à des concours de poésie, vous donne-t-elle un sentiment d’exposition ou de mise en danger ? Le partage était-il pour vous une nécessité de l’écriture ?

La poésie doit être partagée, comme une peinture, une photographie. Elle a vocation à voyager !
J’écris sous un pseudo, peu de gens sont dans la confidence. Donc je ne me sens pas vraiment en danger.
Mais il commence à y avoir des curieux…
Pourquoi le concours ?
Les flatteurs sont nombreux, dans le petit monde des bloggers avides d’avoir des avis positifs déposés sur leur blog. J’en avais beaucoup puis j’ai décidé de les supprimer.
La participation à un concours permet, quand on la chance d’être primé, de vérifier qu’on n’est pas dans l’erreur totale et qu’on peut raisonnablement poursuivre sa petite fabrique de poésie.
J’ai ainsi obtenu deux flammes d’or de la poésie au concours international organisé par l’association flammes vives. Je n’ai jamais présenté de textes à un autre concours.
Peut-être dans l’avenir.

  • Vous importe-il d’être compris ? Pensez-vous que la qualité d’un poème dépende aussi bien de sa mélodie que de la façon dont il résonne dans l’esprit du lecteur ?

C’est une question intéressante. Je m’aperçois souvent en lisant des courriers que les lecteurs ont une interprétation qui n’est pas toujours celle que j’imaginais au départ.
C’est parfois décontenançant, mais chacun procède à l’analyse de la lecture en fonction de son vécu et de sa sensibilité propre.
La mélodie est importante, et pour moi le vocabulaire se doit d’être le plus accessible possible. Je lis des auteurs qui s’évertuent à placer dans leurs poèmes un vocabulaire réservé à une élite avant de penser à l’émotion finale que doit susciter la lecture.
Cela flatte sans doute un égo un peu proéminent mais le résultat est souvent calamiteux…
Le plus gros reproche que l’on me fait est la simplicité de ma poésie. C’est d’autant plus navrant que c’est un choix.
Le poème primé « Le vieux monsieur » m’a valu un courrier blessant d’une personne qui s’imaginait lésée.
Mais je ne faisais pas partie du jury…
et j’ai répondu par : « le mauvais poète ».
Tous les instants ne sont pas poétiques dans ce petit monde dès lors qu’il y a compétition.

  • Le partage est-il l’un des buts de l’œuvre ? Mais d’ailleurs, les poèmes ont-ils un but ?

Oui, la poésie a un but. C’est apporter à ce monde qui nous est donné et qui peut être si beau, une modeste contribution, un petit caillou qui viendra se caler dans la jointure d’une immense cathédrale, en guise de gratitude pour cette vie offerte, mais aussi une volonté de participer à l’élaboration du beau, en tant qu’humain, face à la destruction insensée du monde par une humanité dont l’avidité est inversement proportionnelle à son degré de sagesse, hélas.
Tout l’espoir du poème est de parvenir à offrir un instant particulier au lecteur, une interpellation, une émotion, une réflexion.

  • Que pensez-vous de l’idée d’une certaine mise en jeu de l’intimité dans le poème ? Le poète puise-t-il son inspiration dans son intimité (mais alors quel sens donner à l’intimité ?) ? Et le lecteur, à son tour, se sert-il du poème pour faire écho à quelque chose qui le concerne intimement ?

Oui, je suis assez convaincu de ça. Il y a toujours un moment de vie de l’auteur, même si on s’ingénie parfois à tenter de le dissimuler, l’effort est assez vain. On finit par l’accepter. C’est là toute la commodité du pseudo.

Des lecteurs m’ont relaté que la lecture leur avait remémoré des instants de vie, parfois difficiles. Une dame avait pleuré à la lecture de « Abîme d’enfance », une autre à la lecture de « Jean Ferrat », (Les femmes sont plus sensibles que les hommes) c’est assez émouvant.
Concernant l’inspiration, elle vient toujours d’une émotion. Donc je suis toujours concerné. « Esmeralda » : la vision d’une vieille femme faisant la manche devant Notre Dame m’avait ému. Ce poème, même s’il ne comporte pas vraiment une intimité est tout de même né d’un moment vécu. Cette vieille dame existe bien, mon imagination a fait le reste.
Pour l’écriture, je choisis généralement le soir ou la nuit. La chimie du cerveau n’est plus tout à fait la même et l’esprit, se libérant peu à peu des contraintes de la journée, finit par accepter le travail de discipline et d’introspection nécessaire (et parfois ardu) à la quête d’une harmonie qui voudra bien trouver sa place sur un petit morceau de papier…

Valériane Des Voiles

Pour nourrir encore ton imagination, lecteur, une petite visite sur le blog d’Hanternoz serait un met de choix : http://hanternoz.eklablog.com/

Et pour nourrir aussi ta curiosité que je sais insatiable, voici également un lien vers le site flammes vives: http://www.flammesvives.com/

Illustration: la mer à minuit sous la lune

Author Valériane Des Voiles

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  • Sam Lebrave dit :

    Tant de choses m’ont parlé dans cette interview. Merci pour la sagesse, l’humilité et la bienveillance du propos!