Avec tristesse, le marin descend sa voile.

De part en part, elle est déchirée. Il l’a déjà maintes fois recousu avec tendresse, avec adresse et avec amour. Encore tout imprégné du souvenir des vents qu’ils ont ensemble contré, des embruns qu’ils ont reçu ensemble comme autant de médailles pour le nombre des vagues arpentées, le marin entre ses grosses mains tannées, fait glisser la toile. Elle coule. Cette voile c’est l’écume; c’est l’aventure; c’est le ciel et l’ombre mêlés. Le marin aime sa voile,d’un amour tout humain, qui remplace, qui remplit, qui s’enfle de ce qui passe. Alors le marin, amer, tend une nouvelle voile. Avec les mêmes gestes, il passera quelques fois son aiguille entre ses brins serrés, avec les mêmes yeux il guettera sa tension, et y décèlera parfois une invitation au loin. Avec la même force il tirera sur la voilure. Les mêmes espoirs vont naître sous une autre voûte de toile.

Avec le même élan, il l’aimera.

Valériane Des Voiles

illustration: Photo d’une oeuvre de Yinka Shonibare MBE, « la méduse », 2008

Author Valériane Des Voiles

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Join the discussion 2 Comments

  • Sam Lebrave dit :

    Qu’y a t-il de mieux qu’un bon vieux rafiot pour nous emmener à la croisée des mondes et des mots?
    Transporté de proue en voile par une poésie et un refrain en même temps, diantre! 😉