Essayez de priver même à bon escient les choses qui font vivre, qui font tenir debout…

C’est l’effet de l’aimant, dans l’immédiateté, dans l’instant, pas de calcul dans l’approche, et l’idée de réfléchir dans les actes me donne des fièvres de pénombre.
Ces masques, ces gants ne dissuaderont pas les croisements, les tissus n’empêcheront pas le baiser, et le latex le contact.
Les bus abondent, s’enlisent et inondent. Dans les transports sans saveur l’anonyme est le roi de la crainte, l’étrangeté est palpable de s’agglutiner dans un œuf, un peloton d’exécution, condamnés à se serrer, à regarder de travers, à la limite de la panique et de la retenue. Il y a de la dignité en ceux qui se sacrifient, serrent les poings ou continuent de se faire tâter le cul alors que l’ordre de distance est en même temps fixé, aussitôt bafoué.

Quelle excuse pour le risque? L’explication ou la résignation? Est-ce du caviar au coronavirus ou aux porcs? On se tient à la barre et on attend, manque plus que les menottes et on est bon. Le supplice est légitimé, ne t’étonnes pas du goût amer que ca laisse, que la mémoire tampon se remplit, et que les alarmes jouent au feu d’artifice sur le tableau de bord.

Je ne transigerai pas avec l’élan de te lover, d’arracher tes fringues, te courir dessus, quitte à risquer, de serrer chacune de tes poussières, recréer le lien. Surtout l’assumer, au contraire de ceux qui dictent, mais taisent leurs actes. Quand coexistence et vivre ensemble deviennent des motifs de soupçon, mon instinct primaire se rétracte et ma nuque se raidit. Bienvenue au paradis des tortures quotidiennes et des miroirs teintés.
Dans les mains des brise-glaces à la place des seringues, de la chair qui enjambe le plexiglas, pour se rejoindre.

Sam Lebrave


Illustration: Pixabay