Planté dans le torrent, maigre et blanc. Fatigué. Clou de verre planté dans le courant, debout mais si fragile, tu luttes. Pour crever les ondes, pour faire encore de chaque goutte un tableau. Un nouveau cadre photo. Un trou vain ici où tout se referme en s’écoulant.

Clou de verre, ta mémoire translucide compte les moments. …Il coule, ce torrent que tu maudis…il déverse son baume de vent sur les plaies de nos instants. Ça pique, ça désinfecte. La douleur elle aussi.
Maigre et blanche, fatiguée.
Clou planté pour crucifier les jours qui ont été heureux. Pour faire couler le sang avec le temps. Clou superbe, pour toi aussi tout dévale.

Clou de verre, à présent, tu coules ta silhouette diaphane dans les trous, dans les failles, dans les entailles…pointé, pointu, pour afficher et exposer les encadrés. Cloués, les instants, forts et heureux, dans le fleuve qui emporte les événements.
Clou fragile, tu t’accroches. Tu fixes et poses. Déplies, sans déployer.
Clou de verre, tu achèves, hiératique, ce que des instants commencés tu as crevé.
Tu perces et fixes. Figé au milieu des flots, ta présence en crève-courant. Je t’aime aussi.
Clou intense, tête de lune, transparent.

La rivière passe, et s’enroule, tu ne peux la figer, mais tu demeures, clou de verre dans l’espace-temps.

Valériane Des Voiles

illustration: un tableau d’Alexandre Calame