Mon prochain,

Il faut t’aimer, je le sais bien. Mais, vois-tu, la plupart du temps, je n’y arrive pas. Tu me débectes. Tu me sidères. Chez toi, rien ne va.

D’abord, tu schlingues…Avec ton hygiène douteuse, tes squames, tes desquames, tes pores, tes cloaques, tes poils et tes intestins, tu me dégoûtes souvent. A tes côtés j’ai la nausée. Tu pues, tout simplement. Tu pues quand tu te mets en mouvement, et même mort tu pues encore.
Et puis t’es moche, avec tes yeux de playmobile, et tes mains de merlan frit, avec tes gestes disgracieux, et ton cou dégoulinant. Vraiment, je me demande si tu as conscience de ton affreuse dégaine. Tes bras sont trop longs, et l’une de tes jambes est toute tordue. Au bout de ton pied, un ongle pendouille, et sur le sommet de ton crâne pousse une bosse brillante. Tu te grattes, tu renifles, tu trébuches. Tu tombes tout le temps, et les croûtes qui fleurissent sur tes genoux couronnent ta laideur. Tu plantes tout ça dans des nippes à la mode. Une autre de l’espèce du prochain est morte il y a peu sur sa machine à coudre, pour que tu puisses parader dans ton polo, dans ta combi-short, dans tes soquettes à volants, ton bombers, ton slim, ta cape et ta capeline.
Enfin, mon petit Prochain, tu es bête. Tu ne sais rien. Tu ne crois même pas. Mais tu t’y crois. Tu attends stupidement ta prochaine raison de courir. Le nez dans ton ignorance, tu te sens chez toi. Rassuré par l’entre-soi, excité par l’entre-deux, tu t’ennuies -sûrement- la plupart du temps. Pour ton bonheur, un tweet, un like, un poke, un clic, un snap, un sentiment d’appartenir, pour une seconde virtuelle,  au grand troupeau du prochain important. Le prochain parle aux prochains, et à eux seuls.

Je te méprise vilain Prochain.

Mais tout cela n’est rien encore. Ce que je ne puis vraiment pas te pardonner, cher prochain, c’est d’être si proche de ce que je suis.

Valériane Des  Voiles