Sous les feuilles des figuiers réchauffées par le soleil de juin, elle repose.
Leur odeur réconfortante et sucrée donne à l’air sa densité. C’est peut-être ce poids qui écrase les pensées d’Aline dans l’herbe grasse, en les marquant de petites boursouflures. Elle ne réfléchit plus, et écoute le vent agiter les branches. Une forme bleue s’immisce de temps à autre entre les ombres, comme si la voûte formée par les feuilles et l’azur au dessus d’elle étaient un puzzle parfaitement composé.
Aline voudrait mourir, et pense à la meilleure façon de s’exécuter depuis longtemps déjà. Sans mélancolie et sans regrets, elle ne sais tout simplement pas exister. Elle n’est pas triste, et aucune mélancolie ne l’habite. Aline a de la chance, et son existence ne vaut pas moins qu’une autre. Elle est bien, surtout en ce moment, parce que l’air est doux. Peut-être est-ce justement par sa douceur aux allures d’éternité, qu’il a insinué dans l’esprit d’Aline, ces résolutions. Elle aime, et elle pleure au rythme des battements des feuilles contre leur branche, avec un peu plus d’intensité et de violence sans doute, voilà tout. Elle aime justement la vie, et c’est à mourir qu’elle s’applique chaque jour d’avantage. Voilà ce que les brins d’herbe ont marqué dans sa peau, et voilà ce que le vent doré par la douce chaleur bientôt estivale lui a révélé.
Si elle avait lu les romans de Mishima, ou si elle avait aimé les romantiques par-dessus tout, sa volonté de mourir aurait eu un autre sens, esthétique et tragique, comme si c’était le sentiment de l’inéluctable et de la vacuité qui l’avait dégoutté d’être.
Rien en cet instant ne pourrait pourtant être plus faux à propos d’Aline.
Elle sent le plein de la vie, et elle y trouve partout son sens. Chacune des petites figues de l’arbre qui la berce n’est-elle pas une preuve du sens des minutes qui s’écoulent ? Chaque fruit semble si lisse, et si plein qu’il est impossible, en cet instant, de ne pas croire en la beauté de ce monde. La perfection de ce spectacle qui lui est offert la ravie, et la ravie à elle-même.
Aline s’évade, et sent bien qu’il faut mourir.
Son souffle déjà s’altère, ralentit tout à fait, s’éteint un instant…c’est la mort ? Non. Ce n’est rien.
(à suivre !)
Valériane Des Voiles